Omar bouraba
Le 16 mai dernier, la conférence débat « Où va l’Algérie » faisait salle comble dans notre local du Cairn. Le succès de cet évènement revient en grande partie à Omar et Myassa, à la qualité de leurs interventions et au débat qui a suivi, très riche politiquement. La vidéo de la conférence frôle les 14000 vues. Aujourd’hui, nous allons nous arrêter sur l’itinéraire politique et militant d’Omar Bouraba, compagnon de longue date de Militant.
Quel est le point de départ de ton engagement en politique ?
Je suis né en Kabylie, dans un village de montagne, en 1967. Mes parents avaient souffert lors de la guerre de libération de l’Algérie et à l’indépendance du fait de la répression des forces gouvernementales. Ils gardaient un silence inquiétant sur ce passé. En 1980, lors de la révolte en Kabylie, j’ai participé à la grève générale dans mon collège. Ce mouvement a duré un mois et, à 13 ans, c’était ma première expérience politique. Ensuite au lycée dans la ville de Dellys, je me suis intéressé aux idées politiques, de manière assez confuse, comme le font les adolescents, et me rappelle avoir échangé beaucoup avec les militants du Parti de l’avant-garde Socialiste (PAGS ex-parti communiste). La première action où j’ai été un organisateur actif a été la grève de soutien aux prisonniers politiques incarcérés pour avoir constitué la première Ligue des droits de l’homme algérienne avec un jour de grève. A l’époque c’était fantastique. Après mon bac, je suis parti à l’université à Alger où je me suis investi complètement dans le travail culturel et militant. On avait notre journal subversif qui traitait de l’actualité culturelle mais était surtout engagé contre le régime militaire. En 1987 je rencontrais des membres du Groupe Communiste Révolutionnaire et devenais très actif dans le comité universitaire (équivalent d’un syndicat étudiant) et les mouvements étudiants. On a mis 200 000 étudiants en grève pour demander plus de démocratie, de liberté d’expression ou tout simplement une autre pédagogie dans l’enseignement. Ce mouvement a été coordonné au niveau national. A cette époque j’ai créé le « collectif du 20 avril » en mémoire des évènements de Kabylie de 1980, collectif très engagé sur la question berbère.
Du GCR à la LCR
En 1988 j’ai émigré en France, à Paris, et c’est à ce moment qu’a éclaté la révolte en Algérie. Très vite j’ai rejoint le mouvement en intégrant la coordination des immigrés de France. Nous avons organisé des marches et soutenu toutes les actions contre la torture et pour la démocratie en Algérie. Je trouvais à Paris la continuité de mon combat en Algérie. Dans le même temps j’entrais en contact avec la Ligue Communiste Révolutionnaire et j’intégrais la cellule du 19è/20ème arrondissement et j’entrais dans la fraction des Algériens de la LCR. Suite à la révolte, le régime a concédé une ouverture démocratique qui a permis le rétablissement des droits politiques et le pluralisme. Le GCR est devenu le Parti Socialiste des Travailleurs, et nous avons créé une section du PST Émigration à Paris, avons beaucoup agi dans un cadre unitaire avec les organisations présentes en France. Nous organisions des rassemblements devant les représentations consulaires algériennes pour exiger plus de liberté et de démocratie. La parenthèse s’est refermée suite au coup d’État militaire qui a eu lieu après la victoire du FIS fin 1991. C’est là que débute la décennie noire. Une guerre civile horrible, des centaines de milliers de morts. La société civile était prise en otage par le terrorisme des islamistes et celui de l’État. C’est une période de recul des consciences politiques, de combats fratricides comme c’est souvent le cas lors de guerres civiles. La parole politique n’existait plus.
Quel a été ton engagement communiste révolutionnaire en France ?
En 1990, je rejoignais les Jeunesses Communistes Révolutionnaires ainsi que la LCR. J’étais dans la tendance Egalité et membre du conseil national des JCR. On agissait beaucoup avec SOS-Racisme et l’UNEF. J’ai œuvré pour l’intégration des camarades algériens au sein des JCR. Je me suis même présenté aux législatives de 1997 à Paris. On a fait une campagne très dynamique avec un slogan : « Y’en a marre, je vote Omar ». Une campagne de proximité, très riche politiquement. Mais avant, j’étais très investi dans le mouvement des Sans-papiers en 1996, avec l’occupation de l’église Saint-Bernard. On était parmi les dirigeants de ce mouvement et j’étais là quand les CRS nous ont évacués. On a aussi créé Jeunes Contre le Racisme en Europe, une association assez radicale contre le racisme au niveau européen.
Quel a été ton engagement par la suite ?
En 1999, j’ai diminué mon militantisme surtout pour des raisons professionnelles jusqu’au printemps arabe en 2011. Avec des amis j’ai créé Agir pour le Changement et la Démocratie en Algérie : l’ACDA. C’est une association qui regroupe des algériens qui luttent pour l’avènement de la liberté et de la démocratie en Algérie. Nous sommes très investis dans la défense des droits de l’homme, dans la solidarité politique, syndicale ou associative. A l’ACDA, nous avons notre expression politique propre à travers nos publications, au sein de l’immigration algérienne. Nous organisons des réunions, des meetings et des conférences régulièrement, nous maintenons une veille permanente contre la répression en Algérie. Nous menons des actions de soutien aux droits de l’homme et aux syndicats autonomes de façon effective depuis 2011. Nous avons participé au Forum social mondial. Aujourd’hui, ce qui est en train de se passer en Algérie est fantastique, nous en sommes au 22è vendredi de protestation massive. Plus les gens manifestent, plus leur conscience politique s’aiguise. Le régime reprend ses esprits et organise de manière permanente et insidieuse la répression des militants avec de nombreuses arrestations arbitraires. C’est la non-transition qui se prépare avec une élection présidentielle bâclée mais la mobilisation reste forte. Nous sommes pour une transition démocratique autonome passant par une assemblée constituante, une phase inaugurale de rupture avec l’ancien régime.
Tu es un militant internationaliste. Quel est ton point de vue sur les perspectives mondiales ?
Si on compare avec la situation en France on se rend compte que les masses sont prêtes à défendre leurs droits. On sent une lame de fond qui est train d’émerger partout. Que ce soit contre les inégalités sociales ou la transition écologique. En France ce mouvement est porté par les exclus et les laissés-pour compte de la société libérale. Aux États-Unis, en Afrique ou en Asie, on constate les mêmes mouvements très prometteurs. Il est temps de poser de manière radicale la question des inégalités sociales, de la démocratie et l’urgence climatique. De toute façon on ne peut pas ne pas garder l’espoir. Il est vrai que les organisations de gauches classiques ou progressistes reculent dans le monde, mais on voit émerger de façon constante des nouvelles formes inédites de pratiques, d’expérience, de luttes politiques, et c’est très intéressant. Les Gilets Jaunes et leur revendication de démocratie horizontale, les luttes pour l’égalité homme-femme plus radicales ou le mouvement des jeunes sur l’urgence climatique en sont des exemples. Même si de nombreux pays en Europe ou en Amérique Latine basculent dans des régimes réactionnaires très inquiétants, il existe des formes d’opposition, qui sont de véritables contre-pouvoirs, et qui nous serviront à établir les lignes politiques de demain.
Quelle a été ton point de vue concernant la France Insoumise ?
J’ai toujours apprécié Jean-Luc Mélenchon et voté pour lui avec enthousiasme. Ca a été un formidable espoir à gauche et ce n’est pas par hasard qu’il a manqué le second tour de quelques voix. Sa candidature de nature jauressienne a été primordiale pour présenter non pas une gauche de témoignage d’un passé révolu, mais une gauche de gouvernement prête à prendre les rennes du pouvoir. La France Insoumise a marqué une rupture avec la gauche de litanie car elle est prête à assumer le pouvoir et à jouer à fond le jeux des institutions démocratiques républicaines. Mais, et c’est mon expérience personnelle, le parti n’est pas très ouvert et c’est difficile de trouver sa place en son sein. La crise démocratique que traverse la FI doit être considérée très sérieusement par ses militants et ses dirigeants. C’est très dangereux et il est urgent que la direction s’ouvre à la société.
Que penses tu de l’initiative de développer un bulletin marxiste, le bulletin Militant ?
J’aime bien le réseau Militant, on rencontre d’autres militants avec d’autres expérience. Il y a un côté « quête permanente de sens » et il est primordial d’avoir une publication, un réseau trans-partisan qui permet de prendre du recul et se ressourcer.
Je suis né en Kabylie, dans un village de montagne, en 1967. Mes parents avaient souffert lors de la guerre de libération de l’Algérie et à l’indépendance du fait de la répression des forces gouvernementales. Ils gardaient un silence inquiétant sur ce passé. En 1980, lors de la révolte en Kabylie, j’ai participé à la grève générale dans mon collège. Ce mouvement a duré un mois et, à 13 ans, c’était ma première expérience politique. Ensuite au lycée dans la ville de Dellys, je me suis intéressé aux idées politiques, de manière assez confuse, comme le font les adolescents, et me rappelle avoir échangé beaucoup avec les militants du Parti de l’avant-garde Socialiste (PAGS ex-parti communiste). La première action où j’ai été un organisateur actif a été la grève de soutien aux prisonniers politiques incarcérés pour avoir constitué la première Ligue des droits de l’homme algérienne avec un jour de grève. A l’époque c’était fantastique. Après mon bac, je suis parti à l’université à Alger où je me suis investi complètement dans le travail culturel et militant. On avait notre journal subversif qui traitait de l’actualité culturelle mais était surtout engagé contre le régime militaire. En 1987 je rencontrais des membres du Groupe Communiste Révolutionnaire et devenais très actif dans le comité universitaire (équivalent d’un syndicat étudiant) et les mouvements étudiants. On a mis 200 000 étudiants en grève pour demander plus de démocratie, de liberté d’expression ou tout simplement une autre pédagogie dans l’enseignement. Ce mouvement a été coordonné au niveau national. A cette époque j’ai créé le « collectif du 20 avril » en mémoire des évènements de Kabylie de 1980, collectif très engagé sur la question berbère.
Du GCR à la LCR
En 1988 j’ai émigré en France, à Paris, et c’est à ce moment qu’a éclaté la révolte en Algérie. Très vite j’ai rejoint le mouvement en intégrant la coordination des immigrés de France. Nous avons organisé des marches et soutenu toutes les actions contre la torture et pour la démocratie en Algérie. Je trouvais à Paris la continuité de mon combat en Algérie. Dans le même temps j’entrais en contact avec la Ligue Communiste Révolutionnaire et j’intégrais la cellule du 19è/20ème arrondissement et j’entrais dans la fraction des Algériens de la LCR. Suite à la révolte, le régime a concédé une ouverture démocratique qui a permis le rétablissement des droits politiques et le pluralisme. Le GCR est devenu le Parti Socialiste des Travailleurs, et nous avons créé une section du PST Émigration à Paris, avons beaucoup agi dans un cadre unitaire avec les organisations présentes en France. Nous organisions des rassemblements devant les représentations consulaires algériennes pour exiger plus de liberté et de démocratie. La parenthèse s’est refermée suite au coup d’État militaire qui a eu lieu après la victoire du FIS fin 1991. C’est là que débute la décennie noire. Une guerre civile horrible, des centaines de milliers de morts. La société civile était prise en otage par le terrorisme des islamistes et celui de l’État. C’est une période de recul des consciences politiques, de combats fratricides comme c’est souvent le cas lors de guerres civiles. La parole politique n’existait plus.
Quel a été ton engagement communiste révolutionnaire en France ?
En 1990, je rejoignais les Jeunesses Communistes Révolutionnaires ainsi que la LCR. J’étais dans la tendance Egalité et membre du conseil national des JCR. On agissait beaucoup avec SOS-Racisme et l’UNEF. J’ai œuvré pour l’intégration des camarades algériens au sein des JCR. Je me suis même présenté aux législatives de 1997 à Paris. On a fait une campagne très dynamique avec un slogan : « Y’en a marre, je vote Omar ». Une campagne de proximité, très riche politiquement. Mais avant, j’étais très investi dans le mouvement des Sans-papiers en 1996, avec l’occupation de l’église Saint-Bernard. On était parmi les dirigeants de ce mouvement et j’étais là quand les CRS nous ont évacués. On a aussi créé Jeunes Contre le Racisme en Europe, une association assez radicale contre le racisme au niveau européen.
Quel a été ton engagement par la suite ?
En 1999, j’ai diminué mon militantisme surtout pour des raisons professionnelles jusqu’au printemps arabe en 2011. Avec des amis j’ai créé Agir pour le Changement et la Démocratie en Algérie : l’ACDA. C’est une association qui regroupe des algériens qui luttent pour l’avènement de la liberté et de la démocratie en Algérie. Nous sommes très investis dans la défense des droits de l’homme, dans la solidarité politique, syndicale ou associative. A l’ACDA, nous avons notre expression politique propre à travers nos publications, au sein de l’immigration algérienne. Nous organisons des réunions, des meetings et des conférences régulièrement, nous maintenons une veille permanente contre la répression en Algérie. Nous menons des actions de soutien aux droits de l’homme et aux syndicats autonomes de façon effective depuis 2011. Nous avons participé au Forum social mondial. Aujourd’hui, ce qui est en train de se passer en Algérie est fantastique, nous en sommes au 22è vendredi de protestation massive. Plus les gens manifestent, plus leur conscience politique s’aiguise. Le régime reprend ses esprits et organise de manière permanente et insidieuse la répression des militants avec de nombreuses arrestations arbitraires. C’est la non-transition qui se prépare avec une élection présidentielle bâclée mais la mobilisation reste forte. Nous sommes pour une transition démocratique autonome passant par une assemblée constituante, une phase inaugurale de rupture avec l’ancien régime.
Tu es un militant internationaliste. Quel est ton point de vue sur les perspectives mondiales ?
Si on compare avec la situation en France on se rend compte que les masses sont prêtes à défendre leurs droits. On sent une lame de fond qui est train d’émerger partout. Que ce soit contre les inégalités sociales ou la transition écologique. En France ce mouvement est porté par les exclus et les laissés-pour compte de la société libérale. Aux États-Unis, en Afrique ou en Asie, on constate les mêmes mouvements très prometteurs. Il est temps de poser de manière radicale la question des inégalités sociales, de la démocratie et l’urgence climatique. De toute façon on ne peut pas ne pas garder l’espoir. Il est vrai que les organisations de gauches classiques ou progressistes reculent dans le monde, mais on voit émerger de façon constante des nouvelles formes inédites de pratiques, d’expérience, de luttes politiques, et c’est très intéressant. Les Gilets Jaunes et leur revendication de démocratie horizontale, les luttes pour l’égalité homme-femme plus radicales ou le mouvement des jeunes sur l’urgence climatique en sont des exemples. Même si de nombreux pays en Europe ou en Amérique Latine basculent dans des régimes réactionnaires très inquiétants, il existe des formes d’opposition, qui sont de véritables contre-pouvoirs, et qui nous serviront à établir les lignes politiques de demain.
Quelle a été ton point de vue concernant la France Insoumise ?
J’ai toujours apprécié Jean-Luc Mélenchon et voté pour lui avec enthousiasme. Ca a été un formidable espoir à gauche et ce n’est pas par hasard qu’il a manqué le second tour de quelques voix. Sa candidature de nature jauressienne a été primordiale pour présenter non pas une gauche de témoignage d’un passé révolu, mais une gauche de gouvernement prête à prendre les rennes du pouvoir. La France Insoumise a marqué une rupture avec la gauche de litanie car elle est prête à assumer le pouvoir et à jouer à fond le jeux des institutions démocratiques républicaines. Mais, et c’est mon expérience personnelle, le parti n’est pas très ouvert et c’est difficile de trouver sa place en son sein. La crise démocratique que traverse la FI doit être considérée très sérieusement par ses militants et ses dirigeants. C’est très dangereux et il est urgent que la direction s’ouvre à la société.
Que penses tu de l’initiative de développer un bulletin marxiste, le bulletin Militant ?
J’aime bien le réseau Militant, on rencontre d’autres militants avec d’autres expérience. Il y a un côté « quête permanente de sens » et il est primordial d’avoir une publication, un réseau trans-partisan qui permet de prendre du recul et se ressourcer.