MILITANT : NOUVEAU DEPART
Le comité de rédaction de Militant s’est réuni le 24 septembre 2017. Tirant le bilan de l’élection présidentielle et des législatives qui ont suivi, il a décidé de s’engager au sein de la France insoumise. Voici un extrait de la résolution adoptée.
Beaucoup l’ont noté, l’abstention (23 %) a été considérable pour une élection présidentielle. Elle témoigne à sa manière de la démoralisation engendrée par des décennies d’alternance droite-gauche au service des mêmes politiques antisociales.
Sur le terrain de l’expression par le vote, son corollaire un peu plus politisé a été le « dégagisme » dont ont été victimes la plupart des caciques du système politique et qui s’est incarné dans les votes Le Pen, mais aussi Mélenchon et Macron.
L’ascension du mouvement autour de Macron puis son élection ont été, disons-le, des surprises totales. Il y a bien sûr un aspect mécanique, 4 candidats arrivant en tête « dans un mouchoir de poche » à la présidentielle, et celui figurant au 2e tour contre Marine Le Pen bénéficiant d’un effet démultiplicateur. Sur fond d’abstention et de légitimisme, le phénomène s’est confirmé aux législatives, avec une majorité absolue pour LRM. L’élection de Macron et la crise des Républicains marquent une recomposition politique significative au sein de la bourgeoisie.
Le mouvement d’Emmanuel Macron marque la convergence de plusieurs secteurs sociaux : fraction déjà ouvertement pro-capitaliste et liée aux entreprises du PS, « centristes » du MODEM, aile « modérée » et européïste de LR, patrons de l’économie sociale et solidaire, grands patrons des media et de la « nouvelle économie » liée à internet, fraction encore minoritaire mais de 22 % quand même des sympathisants du MEDEF.
Si LR est en crise, son candidat ayant été discrédité par la révélation « d’affaires » habilement médiatisées, ce parti existe encore comme représentant politique du patronat du CAC 40 et de la droite catholique.
Même si le FN est en crise, hésitant entre plusieurs orientations, sa présence au second tour de l’élection présidentielle et son score de 34 % constituent des succès extrêmement importants. Le danger d’une « révolution conservatrice » par les urnes demeure, surtout dans la perspective du désarroi que ne manquera pas de créer le gouvernement Macron.
Ce qui a contribué à freiner cette tendance c’est l’affirmation du vote Mélenchon, en particulier dans la classe ouvrière, et le profil que s’est donnée la France Insoumise de première force d’opposition au parlement comme dans la rue.
La percée électorale de Jean-Luc Mélenchon qui atteint presque 20 % des voix et son corollaire, l’effondrement électoral du Parti socialiste est un événement politique majeur. Dans un contexte plus difficile, l’élection de 17 députés constituant un groupe parlementaire de la France Insoumise est également une percée remarquable.
Pour la première fois, une formation politique de la gauche radicale parvient donc non seulement à faire un bon score mais à supplanter les organisations « traditionnelles » de gauche, PS et PCF. Le vote Mélenchon est un formidable signe d’espoir pour tous les opposants au capitalisme, par son score mais aussi par sa remarquable percée dans la jeunesse.
Le vote Mélenchon arrive en tête avec 30 % chez les 18-24 ans. Il est 2e avec 24 % chez les 25-34 ans, 2e avec 22 % chez les 35-49 ans et 2e avec 21 % chez les 50-59 ans. Il n’y a que chez les retraités qu’il est dernier des 4 « grands » candidats.
Chez les ouvriers, Mélenchon est 2e avec 24 %, chez les employés 2e avec 22 %.
Chez les chômeurs, Mélenchon est arrivé 1er avec 31 %.
Le vote Mélenchon s’est donc affirmé comme un vote de la classe travailleuse et de la jeunesse, avec une large capacité à rassembler au-delà puisqu’il atteint 22 % dans les couches moyennes intermédiaires et réalise quand même 19 % dans les couches moyennes supérieures.
On notera que chez les sympathisants des organisations syndicales, Mélenchon a rassemblé 53 % de ceux proches de SUD, 51 % de ceux proches de la CGT, 43 % de ceux proches de la FSU et 32 % de ceux proches de FO.
Cette capacité à entamer la reconquête des milieux populaires tout en s’affirmant dans la jeunesse et dans toutes les catégories sociales esquisse une alliance de classe à vocation majoritaire.
Alors que rien n’est encore cristallisé, cette percée ouvre des opportunités extraordinaires aux partisans que nous sommes du socialisme révolutionnaire et autogestionnaire.
Sans entrer ici dans des polémiques stériles, la rupture est totale avec ceux qui se sont tenus à l’écart de ce mouvement (LO, NPA) voire l’ont combattu comme certains de nos ex-camarades qui ont dépensé une énergie considérable non à convaincre les électeurs mais à tirer dans le dos de Jean-Luc Mélenchon et de la France Insoumise, se positionnant comme les flancs gardes d’appareils bureaucratiques en perdition.
Donc, nous sommes dans cette situation inédite qui voit surgir et se rassembler une nouvelle avant-garde, porteuse d’aspirations démocratiques et humanistes, de la volonté de défendre et d’élargir les conquêtes ouvrières, d’une vision du monde où la question de la sauvegarde de la biosphère est centrale.
Cette avant-garde a atteint une échelle de masse, elle rassemble 17 députés, des dizaines de milliers de membres actifs, 500 000 soutiens et a obtenu le soutien électoral de 7 millions de personnes au 1er tour de l’élection présidentielle.
Nous en sommes partie prenante et nous en sommes fiers ! Des camarades de Militant se sont investis dans les campagnes présidentielle et législative. Plusieurs ex-camarades et amis ont été candidats titulaires et suppléants aux législatives, réalisant partout des scores de 10 à 15 % des voix.
Le seul regret est de ne pas nous être engagés plus tôt et surtout de manière cohérente et organisée.
Bien entendu, nous avons des divergences avec Jean Luc Mélenchon, ainsi que des divergences connues avec le PG et certaines des autres forces parties prenantes de la France Insoumise. Mais des avancées ont également eu lieu, en particulier sur la capacité à s’adresser à tous les citoyens et non à la seule « gauche » et à proposer une autre vision de l’avenir à moyen terme, un véritable projet de société alternative au capitalisme.
De nombreuses questions demeurent en suspens, en particulier sur l’avenir de la France Insoumise, son organisation interne et son rapport aux autres forces politiques et syndicales.
Par rapport à la France Insoumise, notre tâche essentielle sera de défendre et de travailler au développement du mouvement (…) Nous y défendrons les idées qui sont les nôtres, en veillant à transmettre aux nouvelles générations qui s’engagent les acquis programmatiques hérités de 150 ans de lutte du mouvement ouvrier.
Nous défendrons en particulier la pertinence de l’analyste marxiste et la nécessité d’ancrer le mouvement dans le monde du travail, de lui donner une perspective internationaliste cohérente, de s’affranchir des idéologies « postmodernes » (absence de références de classe, relativisme culturel, accent sur le « sociétal » au détriment du social…).
Nous préconiserons de consolider l’implantation dans les couches populaires, à travers des campagnes de masse sur les sujets qui intéressent directement les travailleurs : salaires, emploi, droits des salariés, protection sociale, logement…. Il s’agira en particulier d’aller au-devant de la France périurbaine, rurale et déclassée où l’influence du Front National est la plus forte chez les ouvriers et employés.
Nous préconiserons de développer des campagnes de masse répondant aux aspirations des femmes, qui ont moins voté Mélenchon que les hommes. Cela passera par des actions sur les thématiques de l’école, de la petite enfance, mais aussi par une rupture nette avec toute complaisance envers le communautarisme et l’obscurantisme religieux.
Nous soutiendrons tout pas en avant dans la structuration de la France Insoumise comme force politique de masse, démocratique, ancrée dans le monde du travail et pilier de la construction d’une alternative.
Mais, au-delà, le point principal qui nous distingue est la volonté de construire un parti de type nouveau, c’est-à-dire refusant la séparation entre syndicalisme d’un côté et participation électorale dans le respect des institutions de l’autre.
(…) Au sein de la France Insoumise, notre approche n’est pas de monter une tendance oppositionnelle ni de se comporter comme un groupe parasitaire. Elle est de construire loyalement le mouvement et de faire des propositions ou de prendre des positions en fonction de l’état réel de maturation des débats. D’ailleurs la réalité de LFI est très contrastée en terme de structuration et de composantes locales. Dans un certain nombre d’endroits, nous aurons sans doute plus à agir en dehors qu’à l’intérieur. Mais partout nous nous affirmerons comme partie prenante de ce mouvement.
Dans ce sens, nous ferons partie, comme d’autres (PG, Ensemble, Communistes insoumis etc) de l’espace politique de la France Insoumise. Celui-ci étant structuré nationalement, nous demanderons une reconnaissance officielle dans ce cadre.