La folie éthno-identitaire ou la pensée en uniforme
Ce drôle de drame de la gauche française…
Amir SAÏGHI (mai 2005)
Les lignes qui suivent sont nées d’un étonnement, celui provoqué par certaines réactions à mon article : « le musulman, le profane et le sacré. » ; mais est-ce vraiment un étonnement ?
Non : plutôt l’amère constatation que la réflexion globale dans laquelle s’inscrit le dit article, s’avère on ne peut plus juste : la pensée de la gauche française va mal, elle se mord la queue dans une tentative laborieuse de s’affranchir des masses populaires.
Il n’est dans ce sens pas effarant que l’une des réactions les plus virulentes contre mon écrit vienne de la gauche du parti socialiste. Il y a là une urgence désespérée de se construire une identité politique simple à identifier, simple à traduire en slogan pseudo « républicains ».
Choisir son camp devient un leitmotiv philosophique, voire psychanalytique, qui nécessite un refus de la complexité, de la pensée élaborée, un refus de la réalité au profit de sa représentation simplifiée, « télévisuelle » presque.
Me voir taxé d’islamiste par les tenant du nouvel ordre moral pseudo laïc au-delà du coté surréaliste de la chose, prouve que la lecture de tout texte (et de la réalité) est dépendant des pré requis (préjugés ?) théoriques (culturels ?).
Et si ce n’était dramatique, il serait cocasse de dire que le libéralisme, en l’occurrence frère d’arme du projet de société islamiste, a de beaux jours devant lui si la résistance idéologique de gauche se résume à cette guerre de positions clairement et simplement balisées pour les tirs d’artilleries (souvent à blanc…).
La gauche « officielle » française aujourd’hui dans son ensemble et ses parties verse irrémédiablement dans la fascination des identités morcelées. Elle construit son discours idéologique sur des présupposés « sloganesques » qui nient toute tentative de compréhension de la réalité populaire.
Les partis de gauche se sont ainsi transformé en « caisses de résonance » de ses discours pré formatés (le propre d’une caisse de résonance n’est-il pas d’être vide ?).
La fixation du discours « progressiste » français sur l’impossible assimilation d’une partie de la société à elle-même, les dérives de plus en plus affirmées des crispations communautaires pour lesquelles les faits d’actualité servent de prétexte à l’expression publique, la crise réelle et/ou fantasmée de l’Ecole publique égalitaire, la montée de nouvelles formes de délinquance dans les quartiers populaires, l’improvisation et l’approximation des politiques locales (très souvent du fait de municipalités de « gauche »), le recyclage de la notion de citoyen dans le bazar humanitaire et les polyphonies « résistantes », font craindre que nous assistions bel et bien à la fin de l’ère républicaine qui a débuté avec la révolution de 1789.
Il y a donc urgence à (re) définir l’idéologie de la gauche, à lui faire à nouveau théoriser son combat à partir des classes populaires telles qu’elles existent vraiment dans l’étape historique actuelle et non telles que les fantasment les « révolutionnaires de bourses du travail » ou ne les craignent les « bobos » du 18e ou du 20e arrondissement calfeutrés dans l’ouate de leurs cellules du PS ou des Verts.
A l’heure ou la France, comme le reste du monde, semble glisser inexorablement dans la fosse commune libérale que l’on a chastement renommée mondialisation , formule suffisamment neutre pour nous faire rechercher la solution en son sein même et ainsi en dehors de toute alternative globale, il est urgent de redéfinir nos concepts de combat.
Commençons par « le prolétariat » , je me pose la question : a-t-il jamais existé ? se définit-il par sa capacité à s’organiser politiquement ou bien n’est-il lui-même qu’une construction politique ?
Questions provocantes ? Peut-être, mais a-t-on vraiment le choix de ne pas (se) les poser ?
L’article de Raymond Debord ouvre la voie pour ce travail urgent.
Cette urgence est d’autant plus justifiée qu’aujourd’hui l’ensemble du discours pseudo progressiste est phagocyté par les classes moyennes soucieuses de détacher leur destin historique de celui du peuple, des pauvres, des opprimés.
Sont inventées, alors, des catégories langagières (et ô combien médiatiques !) de remplacement qui permettent le discours réformiste sans danger pour l’ordre social :
Sans papiers, étrangers, musulmans, islamistes, exclus, jeunes des cités, sans emplois, blacks blancs, beurs, etc…autant de termes qui permettent de déplacer le débat vers des considérations généralistes à consonances morales et civilisationnelles larges qui annulent le concept de lutte des classes.
Les solutions réformistes sont alors elles mêmes « conceptualisées » dans des constructions théoriques tronquées qui atteignent vite le statut de mythes discursifs : mixité sociale, citoyenneté, le vivre ensemble, droit et devoir, responsabilité citoyenne, droit à la différence et laïcité !
Coïncidence ? le discours libéral, le projet communautariste, l’Europe de la constitution, se référent tous à la même organisation de la lecture sociale.
Un ordre du discours qui organise les êtres selon leur « valeur marchande » et qui a besoin de reconstruire la société sur la base de « l’ordre social » au lieu de celle du « contrat social ».
L’humanité ne peut alors y être que plurielle (comme la gauche) et donc catégorisable en ordre différencié contrôlable dans ses cloisonnements.
Tout cela a commencé à se cristalliser en France, on l’oublie (ou on fait semblant) sous la « gauche » des années 80 quand le « droit à la différence », avatar souriant du modèle éthniciste anglo-saxon, a ouvert la voie au « droit à l’indifférence » aujourd’hui clairement revendiqué par les catégories autoproclamées « différentes
On oublie (et cette fois je pense que l’on ne fait pas semblant) que cette notion est dérivée du concept de liberté individuelle telle qu’il fut développé par la pensée libérale du 18e et 19 e siècle.
L’émergence de la « mise en scène » ethnique a laquelle tout le monde participe avec enthousiasme (tant il y est facile de produire des « analyses » et des « commentaires intelligents ») reflète bien à mon sens, l’instauration imminente du modèle libéral qui ne reconnaît comme identité commune que celle des consommateurs.
Voila pourquoi aujourd’hui chacun est sommé de ne parler que de son propre « camp » et si un certain tente de le faire pou déconstruire et le critiquer ce soit disant « camp », il ne sera plus « audible » car le fait de s’appeler Amir (par exemple) ne vous donne plus que deux solutions discursives :
- Adopter un discours communautaire à l’instar du ridicule et dangereux appel des « néo-indigènes »
- Adopter un discours « laïcard » bon teint, à l’instar du non moins ridicule et dangereux appel des « blancs discriminés ».
Toutes tentative autre (universaliste, progressiste, révolutionnaire…) sera suspecte et frappée d’excommunication laïcarde.
Ce marquage territoriale de la parole, cette reconduite à la frontière de la pensée unique , permet aux classes moyennes de s’accaparer à leur profit l’espace socio médiatique afin de se détacher volontairement du peuple dans lequel ils ne peuvent plus se reconnaître( trop pauvre, trop basané, trop irrationnellement religieux, trop désespéré…).
Les individus issus des classes moyennes du tiers monde ne s’y sont pas trompés puisqu’ils sont devenus maîtres dans l’art d’investir ce terrain. Ils savent ainsi confisquer la parole populaire en la transformant en discours ethnique, communautaire, religieux ou anti-religieux, ce qui leur permet de s’en servir comme tremplin à leur propre intégration et promotion sociale en France.
Une étude serait à mener sur les élites médiatiques et/ou politique auto proclamées pseudo issues de « l’immigration ». j’ose avancer l’hypothèse que la grande majorité d’entre elles est « primo arrivante » tout en produisant un discours de « porte parole » (conseil du culte musulman, littérature ethnique, musique world Raï, cinéma récompensé aux Césars, pétition et associations en faveur de la discrimination positive, mouvement religieux divers etc.…).
Ainsi, la seule véritable internationale qui fonctionne vraiment est celle des classes moyennes !
Que reste-t-il comme espace politique aux militants réellement issus des classes populaires (d’origine étrangère ou non) ? Pas grand-chose sur le plan officiel et médiatique, mais une énorme possibilité de réinvestir le champ du discours, de le dynamiter en redéfinissant les notions clés, en revisitant l’Histoire, en explosant le politiquement correct libéral, religieux et/ou laïcard, en refondant dans ses recoins philosophique la pensée révolutionnaire, en réinventant cette magnifique épopée de l’éducation populaire (et non son actuel avatar institutionnalisé).
C’est ce vers quoi tendait mon modeste article, les réactions de cette « gauche » confortablement installée dans sa militance pavlovienne, prouve à quel point cela sera difficile.
L’ennemi est déjà à l’intérieur, le libéralisme triomphe peut être, mais qui a dit que la guerre était une partie de plaisir ? Surtout quand cet ennemi n’est pas dans les tranchées que l’on croit.
Rudyard Kipling écrivait :
Tous les braves gens en conviennent
Et tous les braves gens le disent
Tous les braves gens comme nous, sont Nous
Et tous les autres sont Eux
Mais si vous traversez les océans
Au lieu de traverser la rue,
Vous pourriez finir (imaginez ça !) par nous voir, Nous
Comme une autre espèce d’Eux.
Les lignes qui suivent sont nées d’un étonnement, celui provoqué par certaines réactions à mon article : « le musulman, le profane et le sacré. » ; mais est-ce vraiment un étonnement ?
Non : plutôt l’amère constatation que la réflexion globale dans laquelle s’inscrit le dit article, s’avère on ne peut plus juste : la pensée de la gauche française va mal, elle se mord la queue dans une tentative laborieuse de s’affranchir des masses populaires.
Il n’est dans ce sens pas effarant que l’une des réactions les plus virulentes contre mon écrit vienne de la gauche du parti socialiste. Il y a là une urgence désespérée de se construire une identité politique simple à identifier, simple à traduire en slogan pseudo « républicains ».
Choisir son camp devient un leitmotiv philosophique, voire psychanalytique, qui nécessite un refus de la complexité, de la pensée élaborée, un refus de la réalité au profit de sa représentation simplifiée, « télévisuelle » presque.
Me voir taxé d’islamiste par les tenant du nouvel ordre moral pseudo laïc au-delà du coté surréaliste de la chose, prouve que la lecture de tout texte (et de la réalité) est dépendant des pré requis (préjugés ?) théoriques (culturels ?).
Et si ce n’était dramatique, il serait cocasse de dire que le libéralisme, en l’occurrence frère d’arme du projet de société islamiste, a de beaux jours devant lui si la résistance idéologique de gauche se résume à cette guerre de positions clairement et simplement balisées pour les tirs d’artilleries (souvent à blanc…).
La gauche « officielle » française aujourd’hui dans son ensemble et ses parties verse irrémédiablement dans la fascination des identités morcelées. Elle construit son discours idéologique sur des présupposés « sloganesques » qui nient toute tentative de compréhension de la réalité populaire.
Les partis de gauche se sont ainsi transformé en « caisses de résonance » de ses discours pré formatés (le propre d’une caisse de résonance n’est-il pas d’être vide ?).
La fixation du discours « progressiste » français sur l’impossible assimilation d’une partie de la société à elle-même, les dérives de plus en plus affirmées des crispations communautaires pour lesquelles les faits d’actualité servent de prétexte à l’expression publique, la crise réelle et/ou fantasmée de l’Ecole publique égalitaire, la montée de nouvelles formes de délinquance dans les quartiers populaires, l’improvisation et l’approximation des politiques locales (très souvent du fait de municipalités de « gauche »), le recyclage de la notion de citoyen dans le bazar humanitaire et les polyphonies « résistantes », font craindre que nous assistions bel et bien à la fin de l’ère républicaine qui a débuté avec la révolution de 1789.
Il y a donc urgence à (re) définir l’idéologie de la gauche, à lui faire à nouveau théoriser son combat à partir des classes populaires telles qu’elles existent vraiment dans l’étape historique actuelle et non telles que les fantasment les « révolutionnaires de bourses du travail » ou ne les craignent les « bobos » du 18e ou du 20e arrondissement calfeutrés dans l’ouate de leurs cellules du PS ou des Verts.
A l’heure ou la France, comme le reste du monde, semble glisser inexorablement dans la fosse commune libérale que l’on a chastement renommée mondialisation , formule suffisamment neutre pour nous faire rechercher la solution en son sein même et ainsi en dehors de toute alternative globale, il est urgent de redéfinir nos concepts de combat.
Commençons par « le prolétariat » , je me pose la question : a-t-il jamais existé ? se définit-il par sa capacité à s’organiser politiquement ou bien n’est-il lui-même qu’une construction politique ?
Questions provocantes ? Peut-être, mais a-t-on vraiment le choix de ne pas (se) les poser ?
L’article de Raymond Debord ouvre la voie pour ce travail urgent.
Cette urgence est d’autant plus justifiée qu’aujourd’hui l’ensemble du discours pseudo progressiste est phagocyté par les classes moyennes soucieuses de détacher leur destin historique de celui du peuple, des pauvres, des opprimés.
Sont inventées, alors, des catégories langagières (et ô combien médiatiques !) de remplacement qui permettent le discours réformiste sans danger pour l’ordre social :
Sans papiers, étrangers, musulmans, islamistes, exclus, jeunes des cités, sans emplois, blacks blancs, beurs, etc…autant de termes qui permettent de déplacer le débat vers des considérations généralistes à consonances morales et civilisationnelles larges qui annulent le concept de lutte des classes.
Les solutions réformistes sont alors elles mêmes « conceptualisées » dans des constructions théoriques tronquées qui atteignent vite le statut de mythes discursifs : mixité sociale, citoyenneté, le vivre ensemble, droit et devoir, responsabilité citoyenne, droit à la différence et laïcité !
Coïncidence ? le discours libéral, le projet communautariste, l’Europe de la constitution, se référent tous à la même organisation de la lecture sociale.
Un ordre du discours qui organise les êtres selon leur « valeur marchande » et qui a besoin de reconstruire la société sur la base de « l’ordre social » au lieu de celle du « contrat social ».
L’humanité ne peut alors y être que plurielle (comme la gauche) et donc catégorisable en ordre différencié contrôlable dans ses cloisonnements.
Tout cela a commencé à se cristalliser en France, on l’oublie (ou on fait semblant) sous la « gauche » des années 80 quand le « droit à la différence », avatar souriant du modèle éthniciste anglo-saxon, a ouvert la voie au « droit à l’indifférence » aujourd’hui clairement revendiqué par les catégories autoproclamées « différentes
On oublie (et cette fois je pense que l’on ne fait pas semblant) que cette notion est dérivée du concept de liberté individuelle telle qu’il fut développé par la pensée libérale du 18e et 19 e siècle.
L’émergence de la « mise en scène » ethnique a laquelle tout le monde participe avec enthousiasme (tant il y est facile de produire des « analyses » et des « commentaires intelligents ») reflète bien à mon sens, l’instauration imminente du modèle libéral qui ne reconnaît comme identité commune que celle des consommateurs.
Voila pourquoi aujourd’hui chacun est sommé de ne parler que de son propre « camp » et si un certain tente de le faire pou déconstruire et le critiquer ce soit disant « camp », il ne sera plus « audible » car le fait de s’appeler Amir (par exemple) ne vous donne plus que deux solutions discursives :
- Adopter un discours communautaire à l’instar du ridicule et dangereux appel des « néo-indigènes »
- Adopter un discours « laïcard » bon teint, à l’instar du non moins ridicule et dangereux appel des « blancs discriminés ».
Toutes tentative autre (universaliste, progressiste, révolutionnaire…) sera suspecte et frappée d’excommunication laïcarde.
Ce marquage territoriale de la parole, cette reconduite à la frontière de la pensée unique , permet aux classes moyennes de s’accaparer à leur profit l’espace socio médiatique afin de se détacher volontairement du peuple dans lequel ils ne peuvent plus se reconnaître( trop pauvre, trop basané, trop irrationnellement religieux, trop désespéré…).
Les individus issus des classes moyennes du tiers monde ne s’y sont pas trompés puisqu’ils sont devenus maîtres dans l’art d’investir ce terrain. Ils savent ainsi confisquer la parole populaire en la transformant en discours ethnique, communautaire, religieux ou anti-religieux, ce qui leur permet de s’en servir comme tremplin à leur propre intégration et promotion sociale en France.
Une étude serait à mener sur les élites médiatiques et/ou politique auto proclamées pseudo issues de « l’immigration ». j’ose avancer l’hypothèse que la grande majorité d’entre elles est « primo arrivante » tout en produisant un discours de « porte parole » (conseil du culte musulman, littérature ethnique, musique world Raï, cinéma récompensé aux Césars, pétition et associations en faveur de la discrimination positive, mouvement religieux divers etc.…).
Ainsi, la seule véritable internationale qui fonctionne vraiment est celle des classes moyennes !
Que reste-t-il comme espace politique aux militants réellement issus des classes populaires (d’origine étrangère ou non) ? Pas grand-chose sur le plan officiel et médiatique, mais une énorme possibilité de réinvestir le champ du discours, de le dynamiter en redéfinissant les notions clés, en revisitant l’Histoire, en explosant le politiquement correct libéral, religieux et/ou laïcard, en refondant dans ses recoins philosophique la pensée révolutionnaire, en réinventant cette magnifique épopée de l’éducation populaire (et non son actuel avatar institutionnalisé).
C’est ce vers quoi tendait mon modeste article, les réactions de cette « gauche » confortablement installée dans sa militance pavlovienne, prouve à quel point cela sera difficile.
L’ennemi est déjà à l’intérieur, le libéralisme triomphe peut être, mais qui a dit que la guerre était une partie de plaisir ? Surtout quand cet ennemi n’est pas dans les tranchées que l’on croit.
Rudyard Kipling écrivait :
Tous les braves gens en conviennent
Et tous les braves gens le disent
Tous les braves gens comme nous, sont Nous
Et tous les autres sont Eux
Mais si vous traversez les océans
Au lieu de traverser la rue,
Vous pourriez finir (imaginez ça !) par nous voir, Nous
Comme une autre espèce d’Eux.