JOELLE LOSSON
Joëlle Losson a été membre du PS après avoir milité dans les rangs d’une organisation trotskiste. Elle évoque son cheminement depuis son premier engagement en tant qu’étudiante jusqu’à son soutien actuel à La France Insoumise. Elle a d’ailleurs été candidate en Gironde sous cette étiquette en mai 2017. Elle est arrivée en 3è position, avec près de 12%, derrière le candidat de la République en Marche et le candidat FN.
Comment es-tu venue à la politique ?
Je dirais autant le goût de la controverse que l’envie de changer le monde, la conviction aussi que les drames liés à la pauvreté résultent d’une organisation du pillage et pas d’un problème d’insuffisance de ressources, et ce à quelque échelle que ce soit.
Dans quelles organisations t’es-tu investie ?
J’ai d’abord fréquenté de sympathiques gauchistes quand j’étais lycéenne à Verdun , ils vendaient un journal « Le Goujon » ; en arrivant à la fac, j’ai brièvement et assez faiblement milité aux « Etudiants Socialistes », tendance CERES, je les trouvais moins bornés que ceux de l’UEC mais assez limités dans leur vision du monde, on était à la fin des années 70, la Ve République avait 20 ans, la victoire de la Gauche en 81 devenait chaque jour davantage possible et ils s’imaginaient devenir… attachés parlementaires. Bref, consternation. J’étais aussi à l’unef (renouveau), Nancy étant un de leurs fiefs, responsable de l’AG de Lettres ; un jour, je propose en réunion de bureau de ville de boycotter les conseils d’UER (j’y étais élue), au vu du bilan nul de la participation, et de manifester pendant leur tenue. Un mec du PCF déclare rageusement que je suis un sous-marin de l’OCI, je ne savais même pas que ça existait, du coup, j’ai cherché et…
Mon premier engagement enthousiaste a été pour l’OCI (CORQI). Ses militants n’ont pas eu à me convaincre, ce qu’ils disaient et ce que je lisais correspondait à ce que je pensais. Les formations étaient instructives avec entre autres choses, les Cahiers de Pierre Broué, et les militants d’un niveau au-dessus de la moyenne et d’une grande générosité dans leur engagement ; étudiants, métallos, profs, postiers, chercheurs, travailleurs sociaux… on était ensemble pour manifester contre les licenciements dans la sidérurgie, obtenir le réemploi des maîtres auxiliaires, faire signer les pétitions pour libérer Havel, Simsa et Sabata, Hugo Blanco et tous les autres. J’y suis restée de 77 à 89, souvent critique sur le mode d’organisation et l’espèce de course à l’échalote aux résultats ; j’ajoute que le combat dans l’organisation forge également, et qu’il fallait avoir du caractère et de la résistance.
Je me suis donc trouvée dans la charrette de Broué, puisque les départs se faisaient communément en charrette. Je ne regrette donc ni d’avoir participé à cette aventure, ni d’y avoir mis fin.
J’étais à cette époque Présidente de la Libre Pensée(54) et le combat pour le respect de la laïcité, ainsi que de sympathiques manifestations anticléricales et quelques rencontres inter-frontalières m’ont gardé un pied dans le militantisme. Sur ce, guerre du Golfe, démission de Chevènement du gouvernement et fondation du MDC. Job Durupt, alors Maire de Tomblaine, et vraie figure de la Gauche m’appelle, m’explique brièvement le contexte et « tu ne fais rien en ce moment en politique, tu ne veux pas être Présidente du MDC sur le 54 ? » « Je n’y suis même pas » « Tu vas y être, ce n’est pas un problème » « Mais il y aura une élection ? » « Tu seras élue (rires ) » Banco ! J’étais d’accord pour le Non à la guerre, pour le Non à Maastricht, je verrai plus tard pour l’anticapitalisme… J’ai gardé le souvenir d’une superbe assemblée à Marne la vallée et de réunions intéressantes autour de Nancy, mais le côté bonapartiste de Chevènement et son mythe des républicains des deux rives étaient de plus en plus pesants. Fin 93, j’ai défendu sans succès la proposition d’une campagne pour la laïcité, ce qui n’est pas très grave puisque la manifestation laïque du 16 janvier 94 a connu,elle, un succès dépassant les prévisions des organisateurs.
J’ai ensuite rejoint le PS, assez pragmatiquement, avec l’idée qu’on pouvait peut-être peser davantage dedans que dehors. Une sorte d’entrisme sui generis ? J’ai successivement soutenu les courants de Filoche, Mélenchon, Hamon, Maurel… Je ne m’y épuisais pas, je soutenais les textes en sections et le courant au congrès. J’ai mené activement la campagne pour le Non au TCE en 2005. J’étais aussi à ce moment Présidente de la LDH sur Nancy, on s’activait pour obtenir des régularisations de sans papiers, c’était plus difficile sous Sarkozy que sous Chirac, d’ailleurs.
Pourquoi et comment en es-tu venu à soutenir La FI ?
Après le calamiteux quinquennat de Hollande (rappelons qu’après avoir gagné la Présidence, la majorité à l’Assemblée Nationale, au Sénat, presque toutes les régions, beaucoup de départements, de grandes villes, nous avions quasi méthodiquement tout laissé partir à vau-l’eau !), il apparaissait impossible qu’un candidat estampillé PS gagne la présidentielle. La ridicule opération des primaires ne pouvait qu’aggraver cet état de fait. J’avais déjà voté pour Mélenchon au 1er tour en 2012, et surtout vu Hamon se vautrer au congrès de Toulouse. J’ai parcouru le programme de l’Avenir en Commun, je me suis dit « c’est tentable » et j’ai pris contact sur internet, rapidement rencontré des militants actifs, participé aux réunions avec de plus en plus de monde et aux manifestations. Pour les législatives, j’ai été candidate sur la Haute Gironde et vraiment mené avec mes camarades une belle campagne de conviction, j’ai obtenu 11,96% (et un gros capital de sympathie), cela n’a pas suffi, je suis arrivée 3e sur les 16 candidats. Mais le combat continue.
Et ton parcours professionnel et syndical ?
Assez banal : pendant mes études, j’étais pionne et au SNES, quand j’ai obtenu la Licence, j’ai postulé pour être MA et j’ai préparé les concours, j’ai obtenu le PLP en 82, j’ai donc été prof en Lycée professionnel (et au SNETAA) jusqu’en 90, année où j’ai eu le CAPES, je suis retournée au SNES, prof en collège ou lycée, selon les années. J’ai aussi donné des cours au GRETA, en Maison d’Arrêt, à la fac, jusqu’en 2002 ou j’ai passé le concours de Personnels de direction, j’ai eu un poste d’adjointe puis 4 de chefs d’établissement, en Lorraine et en Aquitaine ; je suis au SNPDEN. J’ai toujours été minoritaire dans les syndicats que je vois au mieux comme des structures corporatistes, au pire comme des petites bureaucraties que les gouvernements achètent peu cher avec des postes de permanents. Ils me semblent de plus en plus inertes.
Quel intérêt vois-tu à une publication comme Le Militant ?
Recevoir des informations qu’on ne lit pas forcément ailleurs, lire des analyses de bon niveau, permettre l’expression de points de vue divers, et constituer un groupe le cas échéant opérationnel.
Je dirais autant le goût de la controverse que l’envie de changer le monde, la conviction aussi que les drames liés à la pauvreté résultent d’une organisation du pillage et pas d’un problème d’insuffisance de ressources, et ce à quelque échelle que ce soit.
Dans quelles organisations t’es-tu investie ?
J’ai d’abord fréquenté de sympathiques gauchistes quand j’étais lycéenne à Verdun , ils vendaient un journal « Le Goujon » ; en arrivant à la fac, j’ai brièvement et assez faiblement milité aux « Etudiants Socialistes », tendance CERES, je les trouvais moins bornés que ceux de l’UEC mais assez limités dans leur vision du monde, on était à la fin des années 70, la Ve République avait 20 ans, la victoire de la Gauche en 81 devenait chaque jour davantage possible et ils s’imaginaient devenir… attachés parlementaires. Bref, consternation. J’étais aussi à l’unef (renouveau), Nancy étant un de leurs fiefs, responsable de l’AG de Lettres ; un jour, je propose en réunion de bureau de ville de boycotter les conseils d’UER (j’y étais élue), au vu du bilan nul de la participation, et de manifester pendant leur tenue. Un mec du PCF déclare rageusement que je suis un sous-marin de l’OCI, je ne savais même pas que ça existait, du coup, j’ai cherché et…
Mon premier engagement enthousiaste a été pour l’OCI (CORQI). Ses militants n’ont pas eu à me convaincre, ce qu’ils disaient et ce que je lisais correspondait à ce que je pensais. Les formations étaient instructives avec entre autres choses, les Cahiers de Pierre Broué, et les militants d’un niveau au-dessus de la moyenne et d’une grande générosité dans leur engagement ; étudiants, métallos, profs, postiers, chercheurs, travailleurs sociaux… on était ensemble pour manifester contre les licenciements dans la sidérurgie, obtenir le réemploi des maîtres auxiliaires, faire signer les pétitions pour libérer Havel, Simsa et Sabata, Hugo Blanco et tous les autres. J’y suis restée de 77 à 89, souvent critique sur le mode d’organisation et l’espèce de course à l’échalote aux résultats ; j’ajoute que le combat dans l’organisation forge également, et qu’il fallait avoir du caractère et de la résistance.
Je me suis donc trouvée dans la charrette de Broué, puisque les départs se faisaient communément en charrette. Je ne regrette donc ni d’avoir participé à cette aventure, ni d’y avoir mis fin.
J’étais à cette époque Présidente de la Libre Pensée(54) et le combat pour le respect de la laïcité, ainsi que de sympathiques manifestations anticléricales et quelques rencontres inter-frontalières m’ont gardé un pied dans le militantisme. Sur ce, guerre du Golfe, démission de Chevènement du gouvernement et fondation du MDC. Job Durupt, alors Maire de Tomblaine, et vraie figure de la Gauche m’appelle, m’explique brièvement le contexte et « tu ne fais rien en ce moment en politique, tu ne veux pas être Présidente du MDC sur le 54 ? » « Je n’y suis même pas » « Tu vas y être, ce n’est pas un problème » « Mais il y aura une élection ? » « Tu seras élue (rires ) » Banco ! J’étais d’accord pour le Non à la guerre, pour le Non à Maastricht, je verrai plus tard pour l’anticapitalisme… J’ai gardé le souvenir d’une superbe assemblée à Marne la vallée et de réunions intéressantes autour de Nancy, mais le côté bonapartiste de Chevènement et son mythe des républicains des deux rives étaient de plus en plus pesants. Fin 93, j’ai défendu sans succès la proposition d’une campagne pour la laïcité, ce qui n’est pas très grave puisque la manifestation laïque du 16 janvier 94 a connu,elle, un succès dépassant les prévisions des organisateurs.
J’ai ensuite rejoint le PS, assez pragmatiquement, avec l’idée qu’on pouvait peut-être peser davantage dedans que dehors. Une sorte d’entrisme sui generis ? J’ai successivement soutenu les courants de Filoche, Mélenchon, Hamon, Maurel… Je ne m’y épuisais pas, je soutenais les textes en sections et le courant au congrès. J’ai mené activement la campagne pour le Non au TCE en 2005. J’étais aussi à ce moment Présidente de la LDH sur Nancy, on s’activait pour obtenir des régularisations de sans papiers, c’était plus difficile sous Sarkozy que sous Chirac, d’ailleurs.
Pourquoi et comment en es-tu venu à soutenir La FI ?
Après le calamiteux quinquennat de Hollande (rappelons qu’après avoir gagné la Présidence, la majorité à l’Assemblée Nationale, au Sénat, presque toutes les régions, beaucoup de départements, de grandes villes, nous avions quasi méthodiquement tout laissé partir à vau-l’eau !), il apparaissait impossible qu’un candidat estampillé PS gagne la présidentielle. La ridicule opération des primaires ne pouvait qu’aggraver cet état de fait. J’avais déjà voté pour Mélenchon au 1er tour en 2012, et surtout vu Hamon se vautrer au congrès de Toulouse. J’ai parcouru le programme de l’Avenir en Commun, je me suis dit « c’est tentable » et j’ai pris contact sur internet, rapidement rencontré des militants actifs, participé aux réunions avec de plus en plus de monde et aux manifestations. Pour les législatives, j’ai été candidate sur la Haute Gironde et vraiment mené avec mes camarades une belle campagne de conviction, j’ai obtenu 11,96% (et un gros capital de sympathie), cela n’a pas suffi, je suis arrivée 3e sur les 16 candidats. Mais le combat continue.
Et ton parcours professionnel et syndical ?
Assez banal : pendant mes études, j’étais pionne et au SNES, quand j’ai obtenu la Licence, j’ai postulé pour être MA et j’ai préparé les concours, j’ai obtenu le PLP en 82, j’ai donc été prof en Lycée professionnel (et au SNETAA) jusqu’en 90, année où j’ai eu le CAPES, je suis retournée au SNES, prof en collège ou lycée, selon les années. J’ai aussi donné des cours au GRETA, en Maison d’Arrêt, à la fac, jusqu’en 2002 ou j’ai passé le concours de Personnels de direction, j’ai eu un poste d’adjointe puis 4 de chefs d’établissement, en Lorraine et en Aquitaine ; je suis au SNPDEN. J’ai toujours été minoritaire dans les syndicats que je vois au mieux comme des structures corporatistes, au pire comme des petites bureaucraties que les gouvernements achètent peu cher avec des postes de permanents. Ils me semblent de plus en plus inertes.
Quel intérêt vois-tu à une publication comme Le Militant ?
Recevoir des informations qu’on ne lit pas forcément ailleurs, lire des analyses de bon niveau, permettre l’expression de points de vue divers, et constituer un groupe le cas échéant opérationnel.