Hélène Adam et François Coustal évoquent l’histoire des JCR
Entre bobards et amateurisme…
Par Raymond Maillard
Malgré des travaux universitaires, on pense en particulier à la revue Dissidences ou aux écrits de Robi Morder sur l’UNEF et le courant autogestionnaire, l’historiographie des mouvements révolutionnaires contemporains reste partiellement en friche. Aussi, c’est avec intérêt que certains protagonistes ont découvert qu’Hélène Adam et François Coustal consacraient quelques pages aux Jeunesses communistes révolutionnaires (JCR) dans leur ouvrage « C’était la Ligue »(1) consacré à leur expérience au sein de la LCR(2), dont les JCR étaient l’organisation de jeunesse. Anciens cadres de Révolution(3) dans l’immédiat après 68, puis de l’Organisation Communiste des Travailleurs(4) Hélène Adam et François Coustal ont longtemps été des membres de la direction de la Ligue communiste révolutionnaire avant de rejoindre le mouvement Ensemble(5). Ils avaient donc a priori quelque légitimité à évoquer un épisode dont ils ont été les témoins mais aussi les acteurs(6).
Le sujet n’est pas sans intérêt, dans la mesure où les JCR, fondées en 1981, ont vu leur parcours s’achever par un désaveu suivi d’une exclusion dix ans après. Et il n’est pas banal qu’une organisation politique se débarrasse de ses jeunes comme la LCR l’a fait en 1992 ou les « lambertistes » du PCI-MPPT la même année(7) . On avait pas vu ce genre de choses dans le mouvement ouvrier depuis les déboires des jeunes de la SFIO dans l’immédiat après guerre ! Mais ceux qui auraient attendu d’Hélène Adam et François Coustal un peu de recul (presque trente après les faits), d’analyse et de mise en perspective en seront pour leurs frais. Ils ne trouveront dans le livre que des approximations amateuristes, ponctuées de gros mensongs fractionnistes, comme s’ils avaient à justifier de quelque chose, ce que personne ne leur demande. Et comme si la LCR existait encore alors qu’elle a été dissoute en février 2009… Au lieu de se référer à leurs souvenirs (visiblement défaillants) ou à une consultation des abondantes archives de l’époque(8), ils n’ont visiblement retenu que quelques ragots et un coup d’œil à Wikipédia…
Entrons un peu dans les détails. Hélène Adam et François Coustal écrivent que le changement de majorité au IXè congrès des Jeunes communistes révolutionnaires (1-4 novembre 1990) aurait eu lieu à… une voix près ! C’est naturellement tout à fait contraire à la réalité, même si le rapport de forces était d’environ 45 % pour l’ancienne équipe et 55 % pour la nouvelle. Comme si de rien était, les auteurs enchaînent en expliquant qu’ « après cette scission il existe donc deux organisations de jeunesse, désignées par leur journal : les JCR-Egalité et les JCR-Autre chose »(9). Ah bon ? Après cette scission ? On venait de dire congrès ? Voilà qui ne va pas beaucoup aider le lecteur à comprendre… Mais ce raccourci historique permet d’éluder une question embarrassante : le fait que c’est la fraction majoritaire de la LCR qui a impulsé la scission de sa propre organisation de jeunesse au lieu d’en respecter les statuts… Ce n’est donc pas au congrès, mais quelques mois après, que les jeunes assez démoralisés de l’ancienne équipe(10) décidèrent de se retirer, ce qui conduisit à leur effondrement numérique très rapide (une soixantaine de membres). Il est également très partisan de parler de deux organisations « désignées par leur journal » puisque juridiquement il y avait d’une part les JCR tout court et de l’autre le petit groupe dissident publiant effectivement Autre Chose. Entre les deux, les relations n’étaient effectivement pas très bonnes, mais c’est surtout entre la LCR et les JCR qu’elles étaient exécrables. Toute à sa démarche d’« alternative à la gauche de la gauche » puis de « refondation de la gauche » la direction de la LCR voyait son organisation de jeunesse, activiste, dynamique et se réclamant d’une forme d’orthodoxie trotskyste, comme un caillou dans la chaussure. Et du côté des JCR, on était proches des minorités de la Ligue et de celles de la IVème internationale opposées à la construction de « partis non délimités stratégiquement ». Après l’effondrement de « ses » jeunes regroupés autour d’ Autre Chose, bulletin au titre aussi incompréhensible que révélateur que leur désarroi idéologique, la majorité de la LCR s’est engagée dans processus d’élimination progressive de leurs rivaux : coupure des subventions, refus de vendre le journal à la Librairie possédée par la LCR, exclusions(11)et même ensuite agressions physiques.
Mais Hélène Adam et François Coustal sont tout à fait incapables d’effectuer un bilan sérieux ou juste historiquement honnête de cette séquence qui a conduit la LCR au délitement progressif sur les plans numérique comme programmatique jusqu’au fiasco de l’opération NPA et maintenant à leur ralliement au groupuscule fourre-tout Ensemble. Alors nos auteurs recourent à un vieux procédé qui en dit long sur le sérieux de leur entreprise d’écriture d’une histoire de la Ligue : ce qu’on appelait autrefois les méthodes policières et qu’on désignerait aujourd’hui sous le terme de complotistes. Puisque la majorité de la LCR a perdu celle de son organisation de jeunesse, ce n’est pas parce qu’elle a commis des erreurs : c’est parce qu’elle était infiltrée par des agents hostiles. Voici donc l’explication : « en fait ce courant est noyauté par un groupe sectaire lié au Comité pour une internationale ouvrière (CIO) un regroupement animé par une organisation britannique, The Militant ». Hélène Adam et François Coustal, par ce gros bobard, enchaînent en quelques mots tricherie avec les faits et ignorance de la réalité du trotskysme sur le plan international. Reprenons. Quand la majorité des JCR a basculé, la nouvelle équipe était composée des sensibilités suivantes : les jeunes partisans de la minorité de la LCR animée par Gérard Filoche, les jeunes partisans de la minorité de la LCR favorable au rapprochement avec LO, des jeunes proches de personnalités les plus à gauche de la majorité de la LCR (Daniel Bensaïd) et de nouveaux adhérents. Ces nouveaux adhérents, dont Raymond Debord, étaient pour partie issus de l’Union des Etudiants Communistes à Caen et pour partie des lycéens et jeunes travailleurs recrutés par eux à Paris. C’est l’apparition de cette nouvelle couche militante qui fit basculer la majorité dans les JCR(12). A l’époque, personne n’avait entendu parler de la Militant tendency britannique et la seule préoccupation des JCR était pour ce qui se passait au sein de la IVème internationale. Ce n’est que plusieurs années plus tard, en octobre 1992 pour être précis, que les JCR entrèrent pour la première fois en contact avec le Comité pour une internationale ouvrière. Sortis du Parti travailliste, les membres de la Militant Tendency avaient lancé une grande initiative internationale antiraciste à destination des jeunes. Ils impulsèrent en particulier une manifestation réunissant plus de 10 000 jeunes à Bruxelles. C’est ainsi que s’effectua de rapprochement avec cette tendance. Quant à la qualifier de « groupe sectaire » c’est commode pour effrayer le militant moyen de la périphérie d’Ensemble peu au fait des arcanes du trotskysme. Mais c’est une plaisanterie venant de la LCR quand on sait que cette tendance du Parti travailliste avait trois député et dirigeait la mairie de Liverpool(13). Malgré son supposé manque de sectarisme, la LCR de la « grande époque » Adam et Coustal n’a jamais été au delà de l’élection d’un ou deux conseillers municipaux dans des villages provinciaux… Passons.
Les militants ayant participé à l’aventure des JCR ont connu des destins divers. On trouve des « ex » dans le domaine des média (Canal+, Le Monde, écoles de journalisme). D’autres sont aujourd’hui des syndicalistes FSU ou CGT. On pensera en particulier à Gérald Lecorre, un des leaders CGT de la lutte après l’explosion de l’usine Lubrizol à Rouen. D’autres ex-militants et dirigeants sont aujourd’hui à la France insoumise, au PCF, au NPA et on en trouve même à la Fédération Anarchiste. Quant au « canal habituel » des JCR il a donné la petite Gauche révolutionnaire qui en constitue la continuité organisationnelle. Et, last but not least, il y a une poignée d’anciens cadres des JCR dans l’équipe d’animation de Militant.
Dans une note de bas de page, Adam et Coustal évoquent le « parcours erratique » de Debord, principale figure des JCR exclues. Un esprit taquin ferait remarquer à Hélène Adam qu’elle ne manque pas d’air, ayant eu un parcours qui l’a conduit de l’organisation Révolution ! à… une retraite dorée au Conseil économique, social et environnemental auquel elle a été promue sous Hollande au titre du « dialogue social »(14). Dans une perspective moins polémique, elle aurait pu s’interroger sur le constat du fait qu’à partir de prémisses politiques antagoniques, on retrouve aujourd’hui dans la mouvance de la France insoumise aussi bien le gros des cadres de la majorité de la LCR qu’un nombre significatif de leurs jeunes rebelles excommuniés. Quelle perte de temps et d’énergie pourrait se dire un observateur extérieur ! Pourtant, à y regarder de plus près les positionnements ne sont pas identiques. Les ex-LCR sont à Ensemble, mouvement demeurant en marge de la France insoumise et lorgnant vers la reconstitution de l’union de la gauche(15). Les ex-JCR quant à eux ont été très à l’aise avec l’orientation développée par Jean-Luc Mélenchon pendant la campagne présidentielle 2017, à savoir le rassemblement du peuple contre l’oligarchie capitaliste. Comme si, au delà des apparences, la question posée en 1992 restait devant nous : refonder la gauche ou aider le prolétariat à se constituer en classe et donc en parti politique.
1 - Editions Syllepse, 2019
2 - Voir la chronique du livre par François Guingouin dans Militant n°158, 1er semestre 2020
3 - Fusion en 1971 de restes des Comités d’action de 68 à Marseille et de militants de la Ligue communiste rejetant l’adhésion à la IVe Internationale
4 - Organisation spontanéiste née d’une fusion de Révolution ! avec la tendance maoïste Gauche ouvrière et paysanne (GOP) du PSU en 1977
5 - Petite organisation dont la figure publique la plus connue est Clémentine Autain.
6 - Votant l’exclusion de deux de leurs collègues du comité central de la LCR soutenant les JCR : Raymond Debord et Murray Smith
7 - Le dirigeant de l’AJR, organisation de jeunes du PCI étant Alexis Corbières
8 - Les dizaines d’articles dans les bulletins internes de préparation des congrès de la LCR ou les compte-rendus du comité central
9 - Après le IXè congrès, le journal Autre chose reste l’organe national des JCR. Il faut attendre mars 1991 pour que le titre soit remplacé par celui de l’Egalité. Cette succession de titres prouve encore une fois qu’il n’y a pas eu scission mais continuité marquée par le maintien du journal antérieur.
10 - Entre autres Pierre-François Grond (à Ensemble aujourd’hui), Rebecca Houzel, Sylvia Zappi, Laurent Garrouste (à Ensemble aujourd’hui), Christophe Ramaux…
11 - Pour l’anecdote au motif d’avoir appelé à voter pour Lutte Ouvrière et pas pour les candidats labellisés « refondation de la gauche »
12 - Du côté de l’équipe sortante, on trouvait des jeunes se reconnaissant dans la majorité de la LCR, dans la tendance de Michel Lequenne et un petit secteur entriste propulsé par la TMRI, la tendance internationale de Michel Pablo. A ce groupe, Hélène Adam et François Coustal ne font aucune allusion. Au royaume des aveugles…
13 - voir « Militant à Liverpool : entretien avec Felicity Dowling, ancienne conseillère municipale », Militant n°158, p. 25, 1er semestre 2020
14 - https://www.lecese.fr/membre/adam
15 - Jean-Pierre Garnier : « Big bang dans un verre d’eau » http://www.librairietropiques.fr/2019/06/se-faire-des-amis-avec-j-p.garnier-big-bang-dans-un-verre-d-eau.html
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Malgré des travaux universitaires, on pense en particulier à la revue Dissidences ou aux écrits de Robi Morder sur l’UNEF et le courant autogestionnaire, l’historiographie des mouvements révolutionnaires contemporains reste partiellement en friche. Aussi, c’est avec intérêt que certains protagonistes ont découvert qu’Hélène Adam et François Coustal consacraient quelques pages aux Jeunesses communistes révolutionnaires (JCR) dans leur ouvrage « C’était la Ligue »(1) consacré à leur expérience au sein de la LCR(2), dont les JCR étaient l’organisation de jeunesse. Anciens cadres de Révolution(3) dans l’immédiat après 68, puis de l’Organisation Communiste des Travailleurs(4) Hélène Adam et François Coustal ont longtemps été des membres de la direction de la Ligue communiste révolutionnaire avant de rejoindre le mouvement Ensemble(5). Ils avaient donc a priori quelque légitimité à évoquer un épisode dont ils ont été les témoins mais aussi les acteurs(6).
Le sujet n’est pas sans intérêt, dans la mesure où les JCR, fondées en 1981, ont vu leur parcours s’achever par un désaveu suivi d’une exclusion dix ans après. Et il n’est pas banal qu’une organisation politique se débarrasse de ses jeunes comme la LCR l’a fait en 1992 ou les « lambertistes » du PCI-MPPT la même année(7) . On avait pas vu ce genre de choses dans le mouvement ouvrier depuis les déboires des jeunes de la SFIO dans l’immédiat après guerre ! Mais ceux qui auraient attendu d’Hélène Adam et François Coustal un peu de recul (presque trente après les faits), d’analyse et de mise en perspective en seront pour leurs frais. Ils ne trouveront dans le livre que des approximations amateuristes, ponctuées de gros mensongs fractionnistes, comme s’ils avaient à justifier de quelque chose, ce que personne ne leur demande. Et comme si la LCR existait encore alors qu’elle a été dissoute en février 2009… Au lieu de se référer à leurs souvenirs (visiblement défaillants) ou à une consultation des abondantes archives de l’époque(8), ils n’ont visiblement retenu que quelques ragots et un coup d’œil à Wikipédia…
Entrons un peu dans les détails. Hélène Adam et François Coustal écrivent que le changement de majorité au IXè congrès des Jeunes communistes révolutionnaires (1-4 novembre 1990) aurait eu lieu à… une voix près ! C’est naturellement tout à fait contraire à la réalité, même si le rapport de forces était d’environ 45 % pour l’ancienne équipe et 55 % pour la nouvelle. Comme si de rien était, les auteurs enchaînent en expliquant qu’ « après cette scission il existe donc deux organisations de jeunesse, désignées par leur journal : les JCR-Egalité et les JCR-Autre chose »(9). Ah bon ? Après cette scission ? On venait de dire congrès ? Voilà qui ne va pas beaucoup aider le lecteur à comprendre… Mais ce raccourci historique permet d’éluder une question embarrassante : le fait que c’est la fraction majoritaire de la LCR qui a impulsé la scission de sa propre organisation de jeunesse au lieu d’en respecter les statuts… Ce n’est donc pas au congrès, mais quelques mois après, que les jeunes assez démoralisés de l’ancienne équipe(10) décidèrent de se retirer, ce qui conduisit à leur effondrement numérique très rapide (une soixantaine de membres). Il est également très partisan de parler de deux organisations « désignées par leur journal » puisque juridiquement il y avait d’une part les JCR tout court et de l’autre le petit groupe dissident publiant effectivement Autre Chose. Entre les deux, les relations n’étaient effectivement pas très bonnes, mais c’est surtout entre la LCR et les JCR qu’elles étaient exécrables. Toute à sa démarche d’« alternative à la gauche de la gauche » puis de « refondation de la gauche » la direction de la LCR voyait son organisation de jeunesse, activiste, dynamique et se réclamant d’une forme d’orthodoxie trotskyste, comme un caillou dans la chaussure. Et du côté des JCR, on était proches des minorités de la Ligue et de celles de la IVème internationale opposées à la construction de « partis non délimités stratégiquement ». Après l’effondrement de « ses » jeunes regroupés autour d’ Autre Chose, bulletin au titre aussi incompréhensible que révélateur que leur désarroi idéologique, la majorité de la LCR s’est engagée dans processus d’élimination progressive de leurs rivaux : coupure des subventions, refus de vendre le journal à la Librairie possédée par la LCR, exclusions(11)et même ensuite agressions physiques.
Mais Hélène Adam et François Coustal sont tout à fait incapables d’effectuer un bilan sérieux ou juste historiquement honnête de cette séquence qui a conduit la LCR au délitement progressif sur les plans numérique comme programmatique jusqu’au fiasco de l’opération NPA et maintenant à leur ralliement au groupuscule fourre-tout Ensemble. Alors nos auteurs recourent à un vieux procédé qui en dit long sur le sérieux de leur entreprise d’écriture d’une histoire de la Ligue : ce qu’on appelait autrefois les méthodes policières et qu’on désignerait aujourd’hui sous le terme de complotistes. Puisque la majorité de la LCR a perdu celle de son organisation de jeunesse, ce n’est pas parce qu’elle a commis des erreurs : c’est parce qu’elle était infiltrée par des agents hostiles. Voici donc l’explication : « en fait ce courant est noyauté par un groupe sectaire lié au Comité pour une internationale ouvrière (CIO) un regroupement animé par une organisation britannique, The Militant ». Hélène Adam et François Coustal, par ce gros bobard, enchaînent en quelques mots tricherie avec les faits et ignorance de la réalité du trotskysme sur le plan international. Reprenons. Quand la majorité des JCR a basculé, la nouvelle équipe était composée des sensibilités suivantes : les jeunes partisans de la minorité de la LCR animée par Gérard Filoche, les jeunes partisans de la minorité de la LCR favorable au rapprochement avec LO, des jeunes proches de personnalités les plus à gauche de la majorité de la LCR (Daniel Bensaïd) et de nouveaux adhérents. Ces nouveaux adhérents, dont Raymond Debord, étaient pour partie issus de l’Union des Etudiants Communistes à Caen et pour partie des lycéens et jeunes travailleurs recrutés par eux à Paris. C’est l’apparition de cette nouvelle couche militante qui fit basculer la majorité dans les JCR(12). A l’époque, personne n’avait entendu parler de la Militant tendency britannique et la seule préoccupation des JCR était pour ce qui se passait au sein de la IVème internationale. Ce n’est que plusieurs années plus tard, en octobre 1992 pour être précis, que les JCR entrèrent pour la première fois en contact avec le Comité pour une internationale ouvrière. Sortis du Parti travailliste, les membres de la Militant Tendency avaient lancé une grande initiative internationale antiraciste à destination des jeunes. Ils impulsèrent en particulier une manifestation réunissant plus de 10 000 jeunes à Bruxelles. C’est ainsi que s’effectua de rapprochement avec cette tendance. Quant à la qualifier de « groupe sectaire » c’est commode pour effrayer le militant moyen de la périphérie d’Ensemble peu au fait des arcanes du trotskysme. Mais c’est une plaisanterie venant de la LCR quand on sait que cette tendance du Parti travailliste avait trois député et dirigeait la mairie de Liverpool(13). Malgré son supposé manque de sectarisme, la LCR de la « grande époque » Adam et Coustal n’a jamais été au delà de l’élection d’un ou deux conseillers municipaux dans des villages provinciaux… Passons.
Les militants ayant participé à l’aventure des JCR ont connu des destins divers. On trouve des « ex » dans le domaine des média (Canal+, Le Monde, écoles de journalisme). D’autres sont aujourd’hui des syndicalistes FSU ou CGT. On pensera en particulier à Gérald Lecorre, un des leaders CGT de la lutte après l’explosion de l’usine Lubrizol à Rouen. D’autres ex-militants et dirigeants sont aujourd’hui à la France insoumise, au PCF, au NPA et on en trouve même à la Fédération Anarchiste. Quant au « canal habituel » des JCR il a donné la petite Gauche révolutionnaire qui en constitue la continuité organisationnelle. Et, last but not least, il y a une poignée d’anciens cadres des JCR dans l’équipe d’animation de Militant.
Dans une note de bas de page, Adam et Coustal évoquent le « parcours erratique » de Debord, principale figure des JCR exclues. Un esprit taquin ferait remarquer à Hélène Adam qu’elle ne manque pas d’air, ayant eu un parcours qui l’a conduit de l’organisation Révolution ! à… une retraite dorée au Conseil économique, social et environnemental auquel elle a été promue sous Hollande au titre du « dialogue social »(14). Dans une perspective moins polémique, elle aurait pu s’interroger sur le constat du fait qu’à partir de prémisses politiques antagoniques, on retrouve aujourd’hui dans la mouvance de la France insoumise aussi bien le gros des cadres de la majorité de la LCR qu’un nombre significatif de leurs jeunes rebelles excommuniés. Quelle perte de temps et d’énergie pourrait se dire un observateur extérieur ! Pourtant, à y regarder de plus près les positionnements ne sont pas identiques. Les ex-LCR sont à Ensemble, mouvement demeurant en marge de la France insoumise et lorgnant vers la reconstitution de l’union de la gauche(15). Les ex-JCR quant à eux ont été très à l’aise avec l’orientation développée par Jean-Luc Mélenchon pendant la campagne présidentielle 2017, à savoir le rassemblement du peuple contre l’oligarchie capitaliste. Comme si, au delà des apparences, la question posée en 1992 restait devant nous : refonder la gauche ou aider le prolétariat à se constituer en classe et donc en parti politique.
1 - Editions Syllepse, 2019
2 - Voir la chronique du livre par François Guingouin dans Militant n°158, 1er semestre 2020
3 - Fusion en 1971 de restes des Comités d’action de 68 à Marseille et de militants de la Ligue communiste rejetant l’adhésion à la IVe Internationale
4 - Organisation spontanéiste née d’une fusion de Révolution ! avec la tendance maoïste Gauche ouvrière et paysanne (GOP) du PSU en 1977
5 - Petite organisation dont la figure publique la plus connue est Clémentine Autain.
6 - Votant l’exclusion de deux de leurs collègues du comité central de la LCR soutenant les JCR : Raymond Debord et Murray Smith
7 - Le dirigeant de l’AJR, organisation de jeunes du PCI étant Alexis Corbières
8 - Les dizaines d’articles dans les bulletins internes de préparation des congrès de la LCR ou les compte-rendus du comité central
9 - Après le IXè congrès, le journal Autre chose reste l’organe national des JCR. Il faut attendre mars 1991 pour que le titre soit remplacé par celui de l’Egalité. Cette succession de titres prouve encore une fois qu’il n’y a pas eu scission mais continuité marquée par le maintien du journal antérieur.
10 - Entre autres Pierre-François Grond (à Ensemble aujourd’hui), Rebecca Houzel, Sylvia Zappi, Laurent Garrouste (à Ensemble aujourd’hui), Christophe Ramaux…
11 - Pour l’anecdote au motif d’avoir appelé à voter pour Lutte Ouvrière et pas pour les candidats labellisés « refondation de la gauche »
12 - Du côté de l’équipe sortante, on trouvait des jeunes se reconnaissant dans la majorité de la LCR, dans la tendance de Michel Lequenne et un petit secteur entriste propulsé par la TMRI, la tendance internationale de Michel Pablo. A ce groupe, Hélène Adam et François Coustal ne font aucune allusion. Au royaume des aveugles…
13 - voir « Militant à Liverpool : entretien avec Felicity Dowling, ancienne conseillère municipale », Militant n°158, p. 25, 1er semestre 2020
14 - https://www.lecese.fr/membre/adam
15 - Jean-Pierre Garnier : « Big bang dans un verre d’eau » http://www.librairietropiques.fr/2019/06/se-faire-des-amis-avec-j-p.garnier-big-bang-dans-un-verre-d-eau.html
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